Banlieue Olympique                 



100 ans après, les JO sont de retour à Paris. Ils se veulent moins couteux, plus durables dans le temps et en particulier pour l’environnement. Tels sont les maîtres mots des Jeux de Paris 2024 qui aspirent à l’exemplarité alors que les dernières éditions des Jeux ont suscité les polémiques entre budgets exorbitants, structures sportives démesurés et impact écologique déraisonnable. Paris veut s’extraire de ces scénarios en misant sur les infrastructures existantes telles que le Stade de France, le Parc des Princes ou encore le Grand-Palais. Les quelques nouveaux projets de structures olympiques voient le jour essentiellement en Seine Saint-Denis, un développement périphérique stratégique conçu pour insuffler un nouvel élan au département le plus pauvre de France. Ainsi, le village Olympique se substitue au passé industriel de Saint-Denis et celui des médias s’inscrit dans une logique de développement urbain à proximité du Bourget. Sans oublier le Grand Paris Express et ses 68 nouvelles gare. Des projets dans les tuyaux depuis plusieurs années et précipités par les Jeux avec en ligne de mire “l’Héritage”. Paris 2024 mise sur l’après et compte bien “inventer la ville de demain” grâce à ses infrastructures et ses nouveaux quartiers. Un héritage pour le territoire qui doit profiter aux citoyens après la compétition.

Pourtant, certains projets d’aménagement suscitent déjà la polémique. À Saint-Denis, le nouvel échangeur entre l’A1 et l’A86 qui passera auprès d’une école interroge face aux effets de la pollution de l’air sur les enfants. À Aubervilliers, c’est une partie des jardins ouvriers des Vertus qui doit être sacrifiée en faveur d’une piscine olympique et son solarium.

Les défis pour Paris 2024 et tous les acteurs liés à l’organisation des Jeux sont considérables et interrogent: Les structures olympiques perdureront t-elles par leur ampleur et leur localisation ? Le Grand Paris Express parviendra-t-il à livrer ses premières lignes à temps ? Les quartiers olympiques parviendront-ils à se mouvoir en quartier d’habitation mixtes et accessibles à tous ? L’héritage des Jeux se joue en banlieue.




 















Néo Puteaux














La discipline architecturale, même si elle emploie peu les termes d’anachronisme et d’anachronie, est traversée par cette question, le temps et l’espace étant au cœur de ses préoccupations. Nous parlons peu d’architecture dans notre société et encore moins de l’architecture de promoteur qui façonne une grande partie de nos villes. Une architecture séduit un nombre croissant d’élus dans le Grand Paris, aussi bien dans le cadre d’opérations de construction, de démolition-reconstruction ou de réhabilitation des bâtiments des années 1960. Elle ne relève pas d’un style unifié. Elle se caractérise par une addition d’emprunts à l’histoire de l’architecture - des “néo-styles”-, produisant des quartiers donnant l’impression d’une épaisseur historique, faite de registres hétéroclites, en contradiction avec leur construction récente. Cette architecture de promoteur constituée de mélanges, pastiches, éclectismes brouillent les frontières temporelles et créent des liens de reconnaissance entre passé et présent. Une simple promenade représente une véritable expérience temporelle comme le montre un rapide détour au PlessisRobinson, une ville devenue un modèle visité, récompensé et largement diffusé. L’architecture pouvant être considérée comme un exercice de narration, de quelles valeurs, de quelles légitimités et de quelles significations ces architectures néo sont-elles porteuses ? Quelles sont les raisons de leur efficacité ? Enfin, une architecture peut-elle être qualifiée d’anachronique, architecture décalée, logée dans un temps qui ne paraîtrait pas le sien ?







                        









           
                      








                   
               


                                                      














 








       



                 






             




         
                                                                             
                       
             





 
   

                     
            





















        





       
       
                                     


                           


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Val d’Europe



 

“Y’a quarante ans ici c’était que des champs de patates” constate un paysan à la retraite face au béton qui sort aujourd’hui de terre.

Nous sommes à quelques centaines de mètres du site touristique le plus visité d’Europe, “Disneyland Paris”. Portés par la frénésie du parc, de nouveaux propriétaires à la recherche d’investissements fructueux ont misé sur l’attractivité touristique du territoire. 60% d’entre eux louent aujourd’hui leur bien aux touristes de passage. Ainsi, des villes tout juste sorties de terre se transforment en villes étape, où le va-et-vient des bagages à roulettes dicte le rythme. Le territoire est devenu un prolongement du parc, comme un nouvel hôtel à thème dont l’architecture neo-haussmanienne aseptisée se doit d’être fidèle aux utopies esthétiques véhiculées par la franchise. Trente ans après la construction du parc, le chantier se poursuit, sans fin.









                               
Benidorm


Topographie du tourisme de masse


Planifiée sous Franco qui souhaitait développer le tourisme sur les côtes, la ville de Benidorm, qui n’était alors qu’un port de pêche, a été repensée pour les loisirs et les vacances et est devenue en quelques décennies, la première destination du tourisme de masse en Espagne.


Située sur la Costa Blanca, au Nord-Est d’Alicante, Benidorm bénéficie d’un climat ensoleillé toute l’année; un atout majeur qui attire une clientèle majoritairement nord-européenne.


Benidorm est une ville planifiée pensée sur un modèle vertical éminemment dense. Organisée par zones d’activités - divertissement, shopping, alimentation, plage - elle favorise la proximité et l’agencement des services. Majoritairement composée d’immenses tours de béton - dont la plus haute fleure les 192m - la ville détient le record mondial de grattes ciel par habitant. Une verticalité censée protéger l’écosystème autour de la ville.


En s’appuyant uniquement sur les loisirs, Benidorm a modélisé à grand coup de bulldozers un paysage unique fait de béton, de signes lumineux et de palmiers. Même sa flore a été conçue et organisée pour la rendre « vendable »: faux gazon, palmiers (encerclés de goudron), rangées de haies ; l’illusion est parfaite.


On ne vient pas à Benidorm pour son patrimoine culturel ou pour explorer les trésors de la Costa Blanca. On y vient pour s’allonger au bord de la piscine, à l’ombre de mastodontes de béton - eux-mêmes accolés à une plage bondée.


Au royaume du « all inclusive », tout est bon marché et on trouve de tout, sauf du local. Les « pubs » et les panneaux « English goods » se succèdent dans les larges avenues de la ville tout comme les restaurants à thème. L’entertainment est roi, le dépaysement est nul.


Ces « saloons de western », ces parcs aquatiques, ces golfs et ces casinos rappelleront surement à quiconque ouvre l’oeil une certaine ville du Nevada. Le tourisme est standardisé, on retrouve ici les mêmes loisirs et les mêmes chaines de fast-food qu’ailleurs. C’est Las Vegas au bord de la mer et Manhattan pour la skyline. Beaucoup l’appellent d’ailleurs « Beniyork ».


À l’opposé du voyage qui inspire à une vie ouverte, à un éveil à soi et aux autres, Benidorm vous propose « le tourisme » dans toute sa démesure standardisée: “Welcome in España” ?
















“…elle importe plus que la découverte, le service proposé parvient même à se substituer aux charmes de la destinations. Certains, évidement se réjouissent de cette expansion ou plutot: ils s’en frottent les mains. Ce serait selon eux une preuve de l’efficacité du capitalisme, tout le monde y trouverait son compte.  Ceux-là iraient même jusqu’à parler de « démocratisation » du voyage réduisant, sans même s’en apercevoir, la dimension politique de l’être ensemble à la seule consommation de masse. N’est-ce donc que cela, la démocratie: le devoir de consommer? “  -Manuel de l’antitourisme de Rodolphe Christin


































































































































“ Le tourisme c’est un type de l’organisation de l’espace, qui vient capturer les expérience de voyage pour les enfermer dans des circuits ou dans des construction centré sur la fermeture comme le tout inclue ou la  découverte de l’autre ne devient plus principale“ -Manuel de l’antitourisme de Rodolphe Christin

























“ Si le voyage est philosophie, le tourisme est économie. Le premier explore, le deuxième exploite“-Manuel de l’antitourisme de Rodolphe Christin


























                         
                  

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                            Zone Pavillonnaire

EN


Depuis les années 70, les classes moyennes se sont éloignées des villes et des banlieues pour vivre leur rêve pavillonnaire. Généralement implantées dans les campagnes, ces zones se construisent en lisière de vieilles communes ou dans des « nouveaux villages ». C’est l’avènement de la maison individuelle avec jardin, barbecue et trampoline, une réelle aspiration pour 56% des ménages français.

Ces habitants de « quartiers résidentiels », autrefois appelés « lotissement », vivaient pour la plupart en ville ou en proche banlieue. Mais le prix au mètre carré et le cadre de vie en habitat collectif ne les faisait plus rêver. Les citadins veulent leur propre jardin. Et la tendance tend à s’accentuer à l’ère du Covid. Généralement fabriqués en parpaings recouverts d’un crépis blanc ou crème, ces identiques pavillons mitoyens fleurissent dans des allées en cul-de-sac à l’américaine. Vivre dans un « quartier résidentiel » signifie aussi vivre près d’une zone commerciale, où se trouve tout le nécessaire pour consommer: chaînes de restaurants, centres commerciaux, cinémas… Tout un modèle.

C’est pour interroger cette architecture périurbaine que j’ai choisi de photographier plusieurs zones pavillonnaires. Mises bout à bout, ces images révèlent l’uniformité du modèle « William Levitt » importé des États-Unis.